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L’Écriture ne voit pas Dieu avant tout comme quelqu’un qui existe en lui-même (…) dans l’Écriture nous trouvons Dieu vu comme quelqu’un qui œuvre pour les autres et en particulier intervient dans l’histoire du peuple. Comprenez donc bien quel lien cela instaure entre Dieu et la personne. Il n’est pas celui qui est arrivé le premier, et ensuite c’est moi qui suis venu… : non, il est celui par lequel je suis ici maintenant. La grammaire commence donc avec les verbes [Dieu crée, promet, libère, rachète, ordonne, guide, pardonne, appelle]. La première expression (de la personne) est la todà (remerciement, louange, exultation). (pp.42-43)

 

5. Un Dieu à nous couper le souffle

Dieu fait, Dieu agit par amour… quant à moi je reste toujours le souffle coupé. Je reçois son action d’amour, je demande son pardon, je l’adore, mais je ne sais jamais comment il agira. Parce qu’il est dans sa liberté et dans son amour créatif et constructif. Il s’agit d’une manière de concevoir Dieu, dirions-nous, qui n’est ni ontologique, ni métaphysique (…) En fait non, Dieu est celui qui se donne, il est celui qui est passionné (…), tantôt ardent, tantôt furieux : voilà quel est le mystère de Dieu tel que l’a connu Marie Madeleine et tel que le connaît tout bon juif. (P.44)

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C’est un peu comme si nous nous étions arrêtés sur Dieu créateur, Maître, Seigneur, à adorer en silence et puis c’est tout. Alors qu’il est au contraire celui qui œuvre sans cesse en ma faveur. Il y a donc du positif, certainement, dans cette attitude de respect, d’obéissance, envers un Dieu mystérieux, inaccessible, un être subsistant en soi, mais il manque cette familiarité, cette tendresse, cette passion, cette richesse, cette joie, ce remerciement qui sont justement dus à une participation constante au mystère de Dieu. (p.46)

 

…ce sont là nos racines juives, nous retrouvons les Psaumes et la joie, la gaieté, cette capacité à raconter les œuvres de Dieu, à savoir les proclamer, à savoir exulter en lui, danser en lui. Voilà quelle a été l’éducation de Marie-Madeleine. (p.47)

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…ce respect dans la prière doit toujours s’accompagner de la jubilation, de la joie, du goût d’être avec Dieu. Le grand éducateur de cette foi est l’Esprit saint et nous devons donc le supplier, par l’intercession de Marie, de nous obtenir cette adoration, ce respect et tout à la fois cette familiarité, cette confiance, ce dialogue, cette exultation et cette joie. (p.48)

 

6. Les sept démons

Ignace de Loyola écrit dans une de ses règles pour le discernement des esprits : «Le propre du mauvais esprit est de mordre, d’attrister et de mettre des obstacles, en inquiétant par de fausses raisons pour qu’on aille pas plus loin. Soyons donc très attentifs à ce genre de tentation, à ses morsures qui sont des petits signes de nervosité, de fatigue, de quelque chose qui ne va pas et que nous laissons nous effrayer. Et puis la tristesse. Tristesse, aridité, désolation, qui nous font nous demander si ce que nous faisons a un sens. Ce sont des signes de la présence de l’Ennemi qui rendent l’âme inquiète, et nous sommes donc un peu troublés, attendant qui sait quoi. Et cela dit encore saint Ignace, «pour de fausses raisons». (p.52)

 

7. Les péchés de Marie-Madeleine

Pourquoi dit-on, à son sujet – et elle est la seule dans ce cas – qu’on a chassé d’elle sept démons ? Sept démons, ce n’est pas rien (…) Marie Madeleine avait sans doute des difficultés encore plus grosses que les autres (femmes), quelque chose de nocif, de terriblement nocif qui la tourmentait, parce que l’action du démon est toujours destinée à semer le trouble, à écraser, à humilier, à déprimer, à conduire au désespoir, à l’excès. (p.53)

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Il y a pourtant quatre pistes que nous pouvons suivre pour essayer de comprendre de quelle infirmité il s’agissait. (P.55)

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– Il y a la piste de la déviation sexuelle : (…) je retiens (…) que ce n’est pas tant la déviation sexuelle qui affecte Marie-Madeleine, même si cet aspect ne manque peut-être pas au tableau.

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– Il y a celle d’une déviance (…) psychologique : il s’agirait d’une personne déprimée, peut-être anorexique, peut-être schizophrène ; c’est typique de la présence démoniaque, des esprits impurs et probablement des récidives (…) le chiffre sept indique peut-être l’existence d’une récidive : elle a essayé, elle semblait aller mieux, et puis elle était retombée dans son état de dépression, de mauvaise humeur, peut-être un désir de suicide ou une autre forme de maladie grave.

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– Il y a une troisième piste interprétant spirituellement la situation de Marie-Madeleine, et qui soit l’esclavage du péché, vécu dans des situations lourdes, desquelles on ne peut pas espérer sortir (…) peut-être qu’il y avait en elle ce qui est le contraire des dons de l’Esprit (…) peut-être était-elle agitée en ce sens-là : « divisions, sectarisme, envies, beuveries, orgies et autres choses du même genre ».

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– Il y a une quatrième piste qui peut nous faire comprendre l’état de Marie Madeleine – à une maladie grave, accompagnée de tristesse, de dépression et d’amertume, de manque de maîtrise de soi, de désordres intérieurs. (pp.55-56)

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Toutes ces pistes sont plausibles. Mais l’Évangile ne nous indique aucune avec certitude et Marie Madeleine reste donc avec son secret ; nous pouvons toutefois comprendre qu’elle soit excessivement reconnaissante vis-à-vis de Jésus, parce qu’elle a été prise dans une situation presque incurable, chronique, de répétition, de récidive, et on l’en a complètement sortie. Nous pouvons comprendre son expérience : sept démons forment un nombre complet et indiquent peut-être une série de situations terribles et inguérissables, faisant comprendre l’amour, l’affection, le dévouement, la reconnaissance, la tendresse de Marie pour Jésus.

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Ce qui est important, donc, n’est pas tant de déterminer quels sont les sept démons, mais le contraire qui s’en est suivi, c’est-à-dire la libération, un peu comme le jeune fils de la veuve de Naim qui est appelé à se réveiller tandis qu’on l’emmène au tombeau (…) même si nous ne parvenons pas bien à définir son péché, nous parvenons assez bien à définir sa réaction, sa manière d’être, au point de sentir presque pointer un peu d’envie… (P. 56)

8. La voie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

…sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (…) n’était passée par aucune de ces épreuves négatives de péché (…) elle savait que Dieu l’avait défendue, protégée, libérée, qu’il avait tenu la main sur sa tête, et qu'il ressentait donc la même reconnaissance et la même joie (que Marie-Madeleine). Je crois que nous devrions entrer dans cette voie, qui est la voie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Il y aura certainement aussi en nous des situations où nous devrons reconnaître que nous avons été sauvés d’un péril grave, et si nous n’y sommes pas tombés, c’est parce que la miséricorde de Dieu a gardé une main sur notre tête et qu'il nous a aimés ; comme une ombre il nous a protégés dans le désert et nous a emmenés jusqu’à la Terre Promise (P. 57)

 

9. Marie Madeleine au tombeau
 Livre : Marie Madeleine l'enthousiaste
1. Marie Madeleine

Dans l’Écriture, Marie Madeleine est mentionnée plus que Marie, mère de Jésus. Elle est donc très présente, bien plus qu’on ne le pense. (P.21)

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…Marie de Magdala traverse tous les événements fondamentaux (de la vie de Jésus) : le service de Jésus, sa Passion et sa mort, sa sépulture et sa Résurrection (…). Elle est présente aux moments les plus caractéristiques et les plus typiques. (p.24)

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…laissez-vous éclairer par Marie Madeleine ; laissez-la pénétrer en vous, et demandez-lui la grâce de pouvoir connaître le cœur de Dieu comme elle l’a connu elle-même, c’est-à-dire avec cette entièreté, avec ce sursaut, ce dépassement de soi qui est le propre du mystère divin. (p.30)

2. Marie-Madeleine : le signe d’un dépassement au-delà des limites

Nous voudrions, en méditant sur Marie-Madeleine, être introduit par son histoire dans le cœur de Dieu, dans le cœur de Jésus ; car si c’est là que se trouve son abri, elle est le signe de l’excès chrétien, elle est le signe de ce qui va au-delà des limites, elle est le signe du dépassement, elle est le signe de cette vérité profonde que nous contemplerons plusieurs fois ces jours-ci à savoir que l’on n’atteint pas le véritable équilibre si l’on n’est pas allé au-delà, avec un geste courageux. Demandons donc à Marie Madeleine de nous aider à rencontrer le cœur de Dieu, qui est lui-même mystérieusement celui qui va au-delà, le Père qui se donne dans le Fils, le Père et le Fils qui se donnent dans l’Esprit, Dieu qui se donne à l’homme, Dieu qui se donne en ces lieux surtout par sa vie, sa mort et sa Résurrection. Dieu est tout entier don, il est gratuité, il est complètement au-delà de ce qui est dû et c’est là le secret de la vie. (p.20)

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3. Dieu est le don de soi à l’autre

…celui qui peut comprendre Dieu est celui qui accomplit des gestes qui le sortent de lui-même, qui se donne en dehors de lui, au-delà de ce qu’il doit faire, et qui saisit alors quelque chose du mystère de Dieu. Et il saisit quelque chose de ce que ce mystère veut dire. Et c’est comme cela que le démon trompe tant les hommes en tâchant de faire en sorte qu’ils se penchent sur leurs propres intérêts, leurs droits, leurs prérogatives, et qu’ils ne sortent jamais d’eux-mêmes. Ainsi ils ne pourront jamais connaître Dieu. Dieu est justement la sortie de soi, il est le don de soi à l’autre, il est en quelque sorte, comme on l’a dit, la mort pour la vie. Aussi, à travers des personnages aussi complexes et riches que Marie-Madeleine, on peut atteindre et cueillir quelque chose du mystère de Dieu et aussi quelque chose du mystère de notre vie. (pp.30-31)

 

4. Remercier, louer, exulter

Marie Madeleine est l’unique protagoniste de cet épisode de l’Évangile de Jean, tout est concentré sur elle, qui avait déjà été présente à la mort de Jésus, quand le disciple fut confié à sa mère. (pp.89-90)

 

Elle se rend au tombeau de grand matin, c’était encore les ténèbres.

c’est-à-dire un moment où il n’est pas bon de sortir. Nous avons déjà là quelque chose qui frôle un peu l’excès, parce qu’à Jérusalem les rues n’étaient pas éclairées et il n’était pas trop recommandable qu’une femme sorte seule dans l’obscurité. Elle est au contraire, comme l’épouse du Cantique des Cantiques, elle ne peut plus rester dans son lit, elle doit sortir, avant que les autres ne sortent, en faisant fi des conventions qui voulaient qu’une femme ne sorte qu’accompagnée et en plein jour. Marie Madeleine sort dehors parce qu’elle n’en peut plus, parce qu’elle veut être auprès du corps de Jésus. (p.90)

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Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.

Elle commence à voir les signes qui auraient dû l’amener rapidement à reconnaître Jésus Ressuscité mais qu’elle (..) ne parvient pas à comprendre. (p.90)

 

10. Marie Madeleine  cherche Jésus de manière imparfaite

Marie Madeleine cherchait certainement Jésus de manière imparfaite, du point de vue de la foi, elle n’était pas pleinement à la hauteur, mais elle avait un amour immense, une passion intense pour Jésus, et Lui récompense cet amour, il va au-delà de toutes les imperfections théologiques pour parvenir au cœur de cette femme et se révéler à elle en premier. Et notons bien que, en se révélant à elle, il n’utilise pas de paroles solennelles – je suis ton Seigneur, grand, ressuscité – mais un seul mot, «Marie» : une parole de douceur, de tendresse, de familiarité, par laquelle cette femme se sent comprise, aimée, respectée, pardonnée, accueillie (…) ce qui est mis en relief, c’est le très grand amour.

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 Et Jésus aime tant Marie Madeleine qu’il dépasse aussi les choses qui pourraient créer une difficulté et il se présente à elle de la manière la plus douce, la plus délicate, la plus respectueuse possible. On ne lit pas par exemple que Marie ait reçu le moindre reproche comme en ont eu les disciples, par exemple dans l’Évangile de Marc (16,11) où il est dit que Jésus leur reprocha fortement leur dureté de cœur, parce qu’ils n’avaient pas cru à ce qu’ils avaient vu (…) Nous voyons ici que Jésus se manifeste plein d’une bonté sans limite : non seulement il lui parle avec affection, avec délicatesse, avec tendresse, avec respect, sans reproche, mais il la valorise, il lui donne une mission. (pp.97-98)

 

11. La mission de Marie Madeleine  d’en référer à l’Église

Il n’est pas donné à Marie Madeleine la mission d’annoncer au monde la résurrection, mais d’en référer à l’Église, ce qui est certainement un signe de grande confiance, c’est une charge, pourrions-nous dire, qui la réhabilite, qui la remet dans la plénitude de sa dignité et de sa capacité. Et l’Évangile raconte qu’elle est partie tout de suite, sans délai, l’annoncer aux disciples : «j’ai vu le Seigneur» et elle raconta ce qu’il lui avait dit (…) Je ne veux naturellement pas dire par là qu’elle n’a pas aussi reçu la charge d’annoncer la résurrection, mais que l’annonce de la résurrection passe par l’Église. Et nous aussi, nous avons eu l’annonce de la résurrection à travers le témoignage des apôtres et de l’Église primitive ; c’est ce que je veux souligner, et non pas le fait qu’elle ne puisse pas annoncer publiquement l’Évangile et le proclamer. (pp.99-100)

 

12. Seul l’excès sauve

Le thème n’est pas facile, mais il est central et je veux commencer en disant qu’il y a sûrement un excès de mal dans le monde. (p.103)

 

L’excès du mal

Nous parlons de l’excès du mal quand non seulement il y a des gestes méchants, stupides, malveillants, qui font du tort, qui rompent des situations d’équilibre, mais il y a aussi un excès du mal quand nous commençons à deviner qu’il y a presque une planification du mal, un goût du mal, une jouissance à faire souffrir les autres.

Jérusalem est un peu une synthèse de ces excès, parce que c’est une ville qui a été foulée aux pieds, conquise au moins 36 fois, puis détruite et tous ses habitants tués, puis qui se reprend, pour être dévastée à nouveau, ce qui veut dire qu’il y a un excès de mal qui s’y montre (pp.104-105).

 

L’excès du bien

il y a pourtant aussi un excès du bien, quand le bien dépasse et déborde le simple échange d’égalité, quand il outrepasse le contrat paritaire (…) quand on travaille à perte, quand on donne même à celui qui ne le mérite pas, quand on pardonne même au risque de se perdre, quand on sort des conventions sociales qui obligeraient à certains comportements «politiquement corrects» pour nous jeter dans la vérité.

Il y a, grâce à Dieu, tant d’excès de biens ! Le baiser de saint François au lépreux est un excès du bien et le fait de se dépouiller de ses vêtements devant son père en est un aussi. C’est quelque chose qui dépasse la manière ordinaire d’agir. Je pense à sainte Teresa de Calcutta qui lorsqu’elle a fondé sa congrégation pour les mourants s’entendait dire : «Mais pourquoi vous occuper de ces gens qui sont sur le point de mourir, les pauvres, pensez à votre travail d’enseignement, vous avez tant de choses à faire, avec ces gens il n’y a plus rien à faire.» Et pourtant cet excès du bien a percé. Ils sont nombreux, grâce à Dieu, ces actes d’excès dans le bien qui s’opposent aux excès dans le mal. (pp.105-106)

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L’excès du bien dans les paroles de Jésus

Si nous prenons par exemple le Sermon sur la montagne (…) cela se voit aussi dans cette page où Jésus dit après avoir évoqué sa prochaine venue à Jérusalem et au fait qu’il doit souffrir beaucoup : «Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.» C’est quelque chose de démesuré, ce n’est pas quelque chose qui va de soi, tranquille, simple. Et puis il y a pire : «Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.» (Mt 16,24-25) Nous sommes là dans l’excès absolu et c’est là le langage évangélique. (pp.107-108)

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L’excès du bien chez Jésus

Jésus vient donc dans une attitude de défi, se préparant presque à débusquer l’excès du mal pour en être en quelque sorte écrasé ; tout ceci est expliqué ensuite dans la passion de Jésus, où il apparaît comme impuissant, incapable de se défendre ; il est celui qui accepte tout, qui pourrait appeler douze légions d’anges mais qui ne le fait pas, celui qui n’a pratiquement pas de mots pour répondre, celui qui laisse toutes les forces du mal s’acharner sur lui. Jésus représente cela en lui-même et il est parfaitement cohérent avec ses paroles.

 

…et il me semble qu’on ne peut trouver la réponse ultime sinon dans le fait que Dieu est comme ça ! Dieu est celui qui se donne sans cesse, qui va toujours au-delà : dans son mystère trinitaire même, le Père est pour le Fils, et le Fils est pour le don et l’Esprit représente cette plénitude du don ; nous ne pouvons pas nous exprimer théologiquement de manière précise, mais nous comprenons que cette manière de se comporter de Jésus n’a pas seulement des raisons ascétiques et morales, mais théologiques, c’est Dieu lui-même, c’est le mystère de Dieu que nous touchons. (p.109)

 

13. Le don de soi

Quand je me définis moi-même et que je me définis face au mystère de Dieu, je me définis comme quelqu’un qui est destiné à se trouver dans le don de soi (…) je suis certain que beaucoup ne comprennent pas Dieu, ne l’acceptent pas, vivent une forme de semi-agnosticisme, parce qu’ils n’ont jamais su ce que voulait dire un geste de véritable sortie de soi, un geste de vrai don gratuit, alors que c’est seulement comme cela que l’on comprend, que l’on se trouve en syntonie avec le mystère de Dieu. Tant que l’on pense au mystère de Dieu comme à quelqu’un qui existe en soi, qui tient fortement à ses privilèges, qui est puissant, capable de se défendre, d’être le premier, on ne comprend rien ; quand on le perçoit au contraire comme quelque chose qui se donne, qui se sacrifie, qui se dévoue pour l’autre, alors on le perçoit comme il est. Toutes les fois que la personne est véritablement repliée sur elle-même, ce qu’elle comprend du mystère de Dieu est superstition. C’est quelque chose de grandiose, d’immense, mais ce n’est pas le mystère du vrai Dieu chrétien. C’est seulement lorsque nous acceptons d’entrer dans cette dynamique de la perte, de donner à perte, que nous pouvons nous mettre en accord avec le mystère même de Dieu. (pp.110-111)

… pendant de nombreuses années j’ai été un peu irrité contre le Seigneur, parce que je disais : «Tu as fait tellement pour nous et tu es mort, mais pourquoi en mourant ne nous as-tu pas libérés de la condition mortelle ? Tu pouvais le faire.» Puis, petit à petit, j’ai réfléchi au fait que, si cette condition mortelle n’existait pas, nous n’aurions jamais l’occasion d’accomplir un geste qui nous fasse véritablement sortir de nous-mêmes, de vivre un véritable abandon à la parole de Dieu, une vraie confiance, un vrai dévouement. Or c’est là que l’homme, qui est mortel par nature, trouve la révélation de son propre être.

 

14. Une constante tension héroïque ?

Il y a une dernière chose à ajouter, une objection qui surgit évidemment : mais alors, devons-nous être dans une constante tension héroïque ? Non, car ce don total de soi est quelque chose de très simple, qui prend toute la vie, et qui pourtant s’exprime sous des formes très douces, très familières, très élémentaires. (p.112)

Je vois déjà dans un simple acte de foi ce don de soi et chaque véritable geste évangélique de charité, de gratuité, de services, d’attention à l’autre, fait sans se préoccuper de soi, sans prétendre avoir en retour quelque chose de plus, mais fait avec une libre gratuité, fait déjà partie de ce don de soi et exprime donc la manière d’être de l’humain. (p.113).

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