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MIETTES SPIRITUELLES
En lisant le Cardinal Martini

3. La liberté du cœur : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux» Mt 5, 3

Qu'est-ce que tout cela signifie pour nous? Qu'est-ce que le Seigneur veut nous dire avec cette page? J'y ai aussi beaucoup réfléchi quand j'exerçais la charge d'évêque parce que je ne vivais pas en pauvre, mais que j'avais beaucoup de possibilités. Je crois qu'il ne faut pas évaluer la pauvreté selon un critère de mesure simplement quantitatif, mais selon la liberté du cœur, parce qu'il peut y avoir des engagements, des vocations, des services qui nous obligent à posséder des choses, à avoir de l'argent, des biens immobiliers. Cela a toujours été nécessaire dans l'histoire de l'Église. 

L'Évangile contient ce double aspect, cette dialectique, mais ce qui importe avant tout c'est la liberté du cœur: ne pas vivre pour le succès, ni pour l'argent, mais vivre avec le cœur libre. Savoir donc gagner et savoir perdre, sans que cela ne nous écrase et ne nous mette hors de combat. Cela nous demande de prier, d'être à l'écoute de l'Esprit, et d'évaluer continuellement les situations. Nous ne pouvons jamais dire que nous avons trouvé la solution idéale, mais nous pouvons savoir que dans telle situation notre coeur est libre. Ainsi la liberté de l'Église est assurée. (p.34)

 

4. Les fausses idées

Lorsque les actions de Jésus ou de ceux qui le suivent se mettent à engendrer la paix, la bonté, la miséricorde, le pardon, l'attention aux autres, nous avons là clairement la preuve qu'il s'agit d'actions évangéliques. Saint  Paul l'avait bien compris, lui qui dans la Lettre aux Galates a écrit une sorte de barème du discernement : «Vous en effet, mes frères, vous avez été appelés à la liberté; seulement que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair »; il ne suffit pas de dire une parole positive, la liberté peut être un prétexte. « Or je le dis, laissez-vous mener par l'Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire la convoitise charnelle. On sait bien tout ce que produit la chair : fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d'envie, orgies, ripailles et choses semblables ». C'est le signe typique de l'action de l'esprit du mal. «Mais le fruit de l'Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi» (cf. Ga 5, 13-20). Quand ces caractéristiques sont présentes, nous sommes sûrs alors qu'il y a là l'esprit évangélique. Dans les personnes, les actions, les groupes, nous devons apprendre à faire la distinction entre les caractéristiques de leurs actions et les résultats qu'ils obtiennent, car ce n'est qu'en référence aux valeurs évangéliques qu'il est possible de discerner leur vraie nature. (pp.43-44)

 

5. Le Royaume de Dieu arrive

Nous savons que ce royaume de Dieu arrive mais nous ne pouvons pas en décrire la trajectoire. Et nous ne pouvons pas savoir comment les choses seront dans cinquante ans ou dans dix ans: l'essentiel est de croire au royaume et de savoir qu'il vient, qu'il est en train d'arriver. C'est très important, aussi pour aujourd'hui, car nous nous trouvons à devoir affronter beaucoup d'événements. Nous savons en expliquer certains, tandis que d'autres nous semblent peu compréhensibles, et c'est surtout le tableau d'ensemble qui n'est pas très clair, ni bien ordonné. 

Cela veut dire que nous ne voyons qu'un espace limité du temps. Depuis cet espace nous pouvons donc dire que le royaume de Dieu arrive, mais nous ne savons pas bien comment il se déroulera: quel sera  l'avenir de la Chine, de l'Inde, de ces grandes nations? Comment évoluera le rapport avec les juifs? Tout cela, nous ne pouvons pas le dire. Nous savons que le règne de Dieu arrive et nous faisons confiance à la Parole de Jésus. C'est donc un message qui incite à une grande confiance en Dieu. 

Dans notre vie également, nous savons qu'il se présente des moments de santé, de maladie, de fatigue, jusqu'à ce que vienne la mort, mais nous ne savons pas quand. Dieu sait ces choses ; nous nous confions à lui en sachant qu'il oriente le Royaume à notre avantage. Nous pouvons déjà appréhender quelques fruits de ce Royaume car nous voyons comment effectivement tant de peuples, tant de langues, tant de cultures se retrouvent sous l'égide du Christ et acquièrent par là un espace, un point de référence. Mais nous ne pouvons en savoir plus et il serait présomptueux de vouloir en savoir davantage.

La seconde parabole (la graine de moutarde Mc 4,31-32) nous invite de plus à ne pas nous étonner devant les petitesses du Royaume. Quant Jésus descendit de Nazareth jusqu'au Jourdain, c'était un homme parfaitement inconnu; quand il appela ses disciples ils formaient un petit groupe restreint à qui personne n'accordait aucun crédit. Mais c'est de là qu'est né un mouvement mondial; de là qu'est née une fusion des cœurs. Donc le règne de Dieu commence toujours d'une manière très simple. Dans la vie aussi nous devons valoriser ces gestes simples que nous pouvons accomplir, à partir desquels nous savons que le Seigneur fera arriver son Règne. Nous ne pouvons pas nous-mêmes construire le Royaume, nous ne pouvons pas en être les auteurs. Nous sommes des petits semeurs qui lancent leur semence, semence qui pousse et certainement trouve sa place.  

Un troisième enseignement que nous pouvons tirer (…) nous vient de la patience du semeur. C'est un paysan et les paysans savent attendre, ils connaissent les longs mois où l'on attend la pluie, ou alors le beau temps. Comme Marie a attendu son fils Jésus, nous attendons que le royaume de Dieu se révèle, en jouissant des manifestations positives de ce Règne et en acceptant ce que nous ne pouvons pas comprendre. Nous sommes aussi souvent impatients vis à vis de notre communauté : nous voudrions la voir changer, nous voudrions changer nous-mêmes nos habitudes, devenir saints en peu de temps. Il faut savoir attendre et savoir patienter. (pp.49-51) 

 Livre : Paroles pour vivre
1. La synthèse de tout l’Évangile «Ton père, qui voit dans le secret, te le rendra»

Cette phrase est pour moi comme la synthèse de tout l’Évangile ; quelquefois quand on me demande une phrase d’Évangile qui soit significative, c’est celle-là que j’indique : «Ton père, qui voit dans le secret, te le rendra». (P. 13)

Matthieu est bien conscient du danger qui guette les bonnes actions. Le diable peut introduire le mensonge dans toute action humaine et la rendre fausse. C’est pourquoi le chapitre six est véritablement central dans le discours sur la montagne parce qu’il aborde autant le «quoi faire» que le «comment faire». Et le «comment» consiste à ne plaire qu’à Dieu seul, à être face à lui dans le secret. On peut naturellement plaire aussi aux autres, on peut accepter leur approbation, mais il est important que l’approbation, la critique ne soient pas déterminantes pour nous, que tout s'accomplisse devant Dieu dans le silence, dans le secret, comme si personne ne devait nous voir. (p.15)

2. Le  grave problème de la prière: nous ne sommes pas toujours exaucés

«Demandez et l'on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez et l'on vous ouvrira (...) Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui l'en prient!» (Mt 7,9-11). 

Le texte est très simple: le grave problème est pourtant que nous ne sommes pas toujours exaucés. On a l'impression ici qu'il est automatique d'être exaucé et que le monde évangélique est comme celui des fées, où il suffit d'exprimer un désir pour l'obtenir. Nous savons qu'il n'en est pas ainsi. Beaucoup de gens m'écrivent pour me dire: je suis atteint d'une tumeur, j'ai prié, je n'ai rien obtenu, j'ai perdu la foi.

Alors, comment concilier ce passage avec la providence divine à l'œuvre? Nous prions Dieu et nous devons le faire avec une absolue confiance, en sachant que souvent nous ne sommes pas exaucés. Déjà les anciens étaient confrontés à ce problème ; le Nouveau Testament, et par la suite saint Augustin et d'autres disaient: «Vous n'obtenez rien parce que vous priez mal ou parce que vous demandez des choses qui sont contre la volonté de Dieu.» On a pourtant souvent l'impression de demander des choses qui sont conformes à la volonté de Dieu et de ne pas les obtenir.

L'invitation à demander - qui est d'ailleurs fondamentale dans le Nouveau testament, parce que Jésus y revient à maintes reprises - doit être comprise dans le cadre de la providence divine. Dieu pourvoit à ce qui est le mieux pour chacun de nous et il connaît ce mieux parce qu'il voit l'immensité des temps ; nous ne voyons qu'une courte tranche du temps et nous ne savons pas ce qui est le mieux en elle. Mais si nous prions avec confiance et abandon, nous sommes certains que le Seigneur prend soin de nous.

Nous devons nous accoutumer à cette prière. Il se peut qu'au début on prie dans l'espoir d'un miracle immédiat, mais il faut ensuite entrer peu à peu dans le dessein de Dieu et prier pour que ce dessein s'accomplisse. Ce n'est pas pour rien qu'à la fin du passage évangélique il est dit: «combien votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui l'en prient!» Et Luc parle de l'Esprit Saint donné à qui le demande (11,13). Nous devons prier avec insistance et sans cesse, puis nous abandonner totalement.

C'est là le mystère de la prière.  (pp.22-23)

6. Le manque de foi devient réducteur de sens !

(À propos de l'Évangile de Marc (6,1-6) où Jésus ne fait aucun miracle à la synagogue et est rejeté.)
Ce passage nous pose avant tout une question: Suis-je moi aussi un réducteur de sens? C'est à dire, est-ce que je cherche en toutes choses à voir l'aspect humain, en me fermant à l'aspect divin même s'il est mystérieux, mais présent dans le monde et dans l'histoire?

Beaucoup de gens, en se fermant à l'aspect divin, vivent une vie plate, une existence quotidienne sans
saveur et sans signification. Alors qu'en reconnaissant le mystère divin qui est derrière toute chose, l'Esprit-Saint qui pousse l'Église, nous parvenons à ouvrir les horizons. C'est aussi valable pour les événements de l'Église: il y a beaucoup de choses qui ne vont pas, beaucoup de choses que nous pouvons critiquer, mais
au cœur de ce chemin du peuple il y a un élément plus profond qui vient de Dieu.


Quelquefois nous nous laissons confondre et égarer par les défauts concrets de l'Église visible, jusqu'à nier
la réalité profonde du mystère qu'elle contient. Cela se produit aussi chez les athées ou agnostiques, qui
observent les actions de Jésus, mais s'efforcent de les expliquer de manière humaine et réductrice, mettant
de côté ce qui dépasse l'aspect rationnel des choses, compris dans un sens rigoureux et calculateur.


Nous devons alors nous demander avec une certaine appréhension: Jésus s'étonne-t-il de mon attitude? Et est-ce que lui me scandalise? Est-ce que je suis choqué par des choses qui ne vont pas, du fait que je ne parviens pas à voir dans quel cadre elles sont insérées? Est-ce que je me laisse envahir par la tristesse devant une vision restreinte des choses, sans aller au-delà du visible et en voyant tout comme Dieu le voit et sous son regard, en tenant compte non seulement du temps mais de l'éternité? Nous devons être attentifs à ces questions que la page d'Évangile nous pose: Jésus, est-ce que je te choque? Jésus, est-ce que quelquefois tu me scandalises? Comment est-ce que j'interprète ce qui te concerne? Est-ce que je sais garder le juste milieu entre la dévotion qui tend à l'exaltation et la réduction négationniste? Est-ce que je prends le juste milieu, en voyant que certaines réalités contiennent une présence du Dieu vivant?
C'est à cela que nous invite ce passage de l'Évangile. (pp.61-62)

 

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